GUILLAUME NÉRY EN CHIFFRES
126 MÈTRES : record officiel de profondeur (obtenu en 2015)
ENTRE 7 MINUTES 30 SECONDES ET 8 MINUTES : durée maximale en apnée statique
2 TITRES de champion du monde d’apnée mono palme, en 2008 (par équipe) et 2011 (individuel)
Bibliographie :
G. Néry, Profondeurs, Arthaud, 2016.
S. Laureys, Un si brillant cerveau, Od ile Jacob, 2016.
Sur ie Web www.guillaumenery.fr/
En ralentissant ma respiration à moins de deux cycles par minute, j’atteins un état de relâchement extrême, utile pour plonger vers les grands fonds … ou pour contrer le stress du quotidien !
INTERVIEW : STEVEN LAU REYS
Directeur de recherches FNRS et chef du Coma Science Group, au centre GIGA Consciousness (université et CHU de Liège).
LE CERVEAU DE GUILLAUME NÉRY S’ACTIVE COMME CELUI D’UN GRAND MEDITANT
Steven Laureys, vous avez récemment analysé le cerveau de Guillaume Néry grâce à une série d’expériences d’imagerie.
Que pouvez-vous nous en dire ?
Tout d’abord, qu’il est intact ! Nous avons en effet étudié à l’IRM si les centaines d’heures d’apnée qu’il a effectuées avaient abîmé son cerveau. Que ce soit au niveau de la matière grise ou de la matière blanche, nous n’avons détecté aucune anomalie. Pratiquée dans les règles de l’art, l’apnée n’est donc pas dangereuse pour les neurones.
Avez-vous aussi analysé son activité cérébrale pendant une apnée ?
Oui, nous lui avons demandé de pratiquer deux apnées « à sec »: une de 6 minutes et 30 secondes, tandis qu’il était dans un appareil d’IRM fonctionnelle, et une de 7 minutes 15 secondes, alors qu’il avait un casque d’électroencéphalographie de 250 électrodes posé sur la tête.
On pourrait s’attendre à ce que son activité cérébrale baisse drastiquement, en raison de la diminution du taux d’oxygène sanguin, mais pas du tout ! L’activité est restée très importante et de nombreuses régions cérébrales ont continué à dialoguer.
Plus précisément, l’activité et les communications ont augmenté dans un réseau d’aires bien particulier, appelé réseau du mode par défaut. Ce réseau est impliqué dans la conscience de soi, de son monde intérieur, et plus généralement dans les pensées. Dans d’autres régions, comme les aires sensorimotrices (responsables du contrôle du mouvement, ainsi que de la perception du corps et des stimuli externes), l’activité a diminué.
Comment cela se traduit-il au niveau du vécu subjectif ?
Lors d’une apnée prolongée, Guillaume est dans un état modifié de conscience. Il décrit un sentiment de bien-être, de paix, de lucidité. Il s’agit d’un état très particulier, difficile à imaginer pour quelqu’un comme vous et moi, qui n’a jamais suspendu son souffle pendant plusieurs minutes. Il diffère d’une joie pure : c’est une sorte de plénitude, avec une forte conscience de soi, sans doute expliquée par l’activation du réseau du mode par défaut et ses interactions avec les circuits des émotions. Aussi bien au niveau du vécu subjectif que des réseaux cérébraux activés, cela se rapproche de ce qu’on observe chez les grands méditants, qui sont d’ailleurs également des experts de la respiration. Ainsi, nous avons constaté de nombreuses similarités avec l’activité cérébrale du moine bouddhiste Matthieu Ricard, que nous avons récemment mesurée avec les mêmes techniques pendant une séance de méditation profonde.
Envisagez-vous de poursuivre ces recherches ?
Oui, ces travaux, financés par le Human Brain Project, ont été passionnants ! Dans mon laboratoire, nous sommes plutôt spécialisés dans l’étude du coma et des traumatismes crâniens mais les comparaisons avec les autres états modifiés de conscience sont très enrichissantes. Le sentiment de bien-être des apnéistes rappelle également celui décrit par les patients victimes d’une expérience de mort imminente suite à un arrêt cardiaque (nous avons analysé plus de 1500 témoignages de ces personnes, dont le cerveau est lui aussi privé d’oxygène pendant un moment). Bien sûr, ces situations diffèrent par de nombreux aspects, mais de telles comparaisons pourraient bien faire progresser notre compréhension de la conscience humaine.
À ce stade, ce n’est toutefois qu’une étude pilote et nous devons étudier une plus grande cohorte pour confirmer nos résultats. Nous recherchons d’ailleurs des apnéistes volontaires !
Son activité cérébrale a en outre été mesurée pendant une apnée de plus de sept minutes, grâce à des électrodes posées sur son crâne (à droite, en haut). Elle a augmenté au sein de plusieurs régions, qui se sont également mises à communiquer davantage (à droite, au milieu, les fils étant d’autant plus rouges que les régions communiquent).
L’IRM fonctionnelle a permis de préciser les régions impliquées (à droite, en bas) : ce sont celles qui forment le réseau dit « du mode par défaut JO, impliqué dans la conscience du monde mental intérieur. Il comprend notamment le cortex préfontal ventromédian (1), le cortex cingulaire postérieur (2) et le précuméus (3).
UN SOUFFLE APAISANT
Régulation du stress, lutte contre l’insomnie, contrôle des émotions et de l’attention…
Savoir bien respirer apporte un véritable avantage pour vivre mieux. Alors, comment s’y prendre ?
Nouveau-nés, nous entrons dans la vie par une grande inspiration. Et nous quittons l’existence en rendant notre dernier souffle, dans une ultime expiration ; le terme «expirer» est même, dans de nombreuses langues, un équivalent de «mourir». Voilà pourquoi, depuis toujours, les humains associent le souffle à la vie. Et à son corollaire, le bon fonctionnement du corps et de l’esprit.
Un peu d’histoire :
Dès le premier millénaire avant notre ère, le taoïsme chinois et l’hindouisme insistent sur l’importance d’un « fluide vital » irriguant notre corps, une sorte d’énergie ou de souffle intérieur, dont la respiration serait une des manifestations. Les Chinois nomment cette énergie Qi et les Hindous Prana (c’est un des concepts clés du yoga). Un peu plus tard à l’ouest, le pneuma des Grecs renvoie, comme la rûah des Hébreux, aux deux dimensions du déplacement de l’air et de la présence divine ; c’est pourquoi, dans les langues latines, le terme spiritus est à l’origine à la fois du terme esprit et du mot respiration.
Très tôt apparaissent aussi des conseils pour moduler sa respiration et influencer le cours de sa santé et de sa spiritualité. Ainsi, le yoga Pranayama (terme signifiant « rétention du souffle ») considère que c’est un moyen pour accroître sa longévité. Il s’agit de la première doctrine théorisant l’intérêt du contrôle respiratoire, environ sept siècles avant notre ère.
À l’époque moderne, le médecin allemand Johannes Heinrich Schultz élabore le « training autogène». Née dans les années 1920, cette méthode de relaxation, qui se fonde en partie sur une respiration lente et profonde, est sans doute encore aujourd’hui la plus célèbre en Occident. Dans sa codification contemporaine, la méditation de pleine conscience fait elle aussi la part belle aux exercices basés sur le souffle.
Pas une technique de relaxation, d’apaisement ou de méditation, donc, qui ne fasse appel au souffle : s’appuyer sur la respiration est sans doute le plus petit dénominateur commun de toutes les approches de pacification du corps comme de l’esprit.
ESPRIT SOUS INFLUENCE
Que les émotions influencent le corps, nous le savons tous. L’exemple le plus simple est peut-être le sourire : quand nous sommes heureux, les coins de notre bouche se soulèvent automatiquement et les bords de nos yeux se plissent pour former cette expression si caractéristique. De même, lorsque nous sommes apaisés et en sécurité, au repos ou engagés dans un échange social agréable, notre respiration ralentit et s’approfondit ; nous sommes alors sous l’influence de notre système nerveux parasympathique, qui produit un effet relaxant. À l’inverse, lorsque nous avons peur, lorsque nous souffrons et sommes dans la tension et l’inconfort, notre respiration devient plus rapide et superficielle. C’est maintenant le système nerveux sympathique, responsable des diverses réactions de l’organisme au stress, qui est activé.
Mais ce que l’on sait moins, c’est que l’influence s’exerce aussi en sens inverse. De nombreux travaux attestent que lorsque nous faisons sourire notre visage, cela rend notre cerveau un peu plus heureux ; nous éprouvons alors davantage d’émotions agréables. Et la respiration a également un pouvoir tout particulier sur notre esprit.
Ce pouvoir est manifeste chez les patients victimes de difficultés respiratoires, facteurs d’anxiété. Ponctuelles et aiguës, ces difficultés déclenchent souvent des crises de panique ; permanentes, elles induisent une inquiétude plus sourde. On estime ainsi que plus de 30 % des personnes souffrant de maladies respiratoires chroniques (bronchite et asthme, notamment) présentent des troubles anxieux ou dépressifs. Ceux-ci sont sans doute liés aux inquiétudes portant sur l’évolution de leur maladie (quoi de plus angoissant que d’avoir du mal à respirer ?), mais aussi à des facteurs purement mécaniques : la gêne qu’ils éprouvent les poussent souvent à augmenter leur rythme respiratoire, ce qui aggrave leur inconfort psychologique – sans forcément améliorer la qualité de leur oxygénation.
QUAND LA RESPIRATION SE DÉRÈGLE
De façon générale, une respiration rapide engendre de nombreuses sensations de stress et d’anxiété. Ce phénomène est d’ailleurs utilisé en thérapie comportementale pour « entraîner » les patients anxieux à affronter leurs émotions (voir l’encadré magazine). Il faciliterait aussi les crises de panique, à travers un redoutable cercle vicieux : la peur provoque une accélération de la respiration, qui accroît la peur. En 200S, Georg Alpers et ses collègues de l’université de Stanford ont ainsi observé, chez les personnes phobiques de la conduite, une hyperventilation importante et inconsciente lorsqu’elles sont au volant sur une autoroute (ce qu’elles détestent car, en cas de malaise, il est compliqué de s’arrêter sur le bas-côté).
Heureusement, la respiration peut aussi avoir une influence bénéfique, comme l’ont constaté depuis longtemps les approches traditionnelles orientales. Nous en avons hérité un ensemble de techniques visant à s’apaiser (voir l’encadré page 50). L’exercice « suivre le souffle » (dont le principe est de focaliser son attention sur sa respiration) est par exemple une des premières étapes de la méditation de pleine conscience, tandis que la technique consistant à respirer alternativement avec une narine puis avec l’autre vient du yoga. L’association de pensées rassurantes avec la respiration est quant à elle plutôt utilisée en relaxation et en sophrologie.
DES TECHNIQUES VALIDÉES PAR LA SCIENCE
Globalement, les recherches montrent que ces exercices abaissent l’anxiété, sans aller jusqu’à la faire disparaître totalement : mieux respirer représente une aide, pas une panacée. Certaines techniques ont été validées par des études cliniques, d’autres pas forcément en tant que telles, mais toutes celles présentées ici appliquent des principes à l’efficacité reconnue. Elles visent à ralentir la respiration, à l’approfondir ou à la faciliter (nous avons vu à quel point une gêne était pénalisante), mais aussi à se servir du souffle comme d’un point focal ou d’un métronome pour distraire son attention des pensées négatives.
CE QUI RELIE LE SOUFFLE À L’ESPRIT
Ainsi, les mécanismes sont à la fois neurobiologiques et psychologiques. Une respiration lente et profonde élève par exemple l’activité du système nerveux parasympathique, et notamment celle du nerf vague, qui contrôle et mesure l’activité de nombreux organes internes. Par conséquent, le calme envahit l’organisme : le rythme cardiaque ralentit et se régularise, la pression sanguine diminue, les muscles se détendent… La partie sensorielle du nerf vague transmet aussi ces informations au cerveau, qui, à son tour, s’apaise.
La compréhension de ce mécanisme a entraîné le développement d’une version moderne des techniques de respiration lente, appelée « cohérence cardiaque ». Il s’agit d’inspirer pendant 5 secondes, puis d’expirer pendant le même temps, soit 10 secondes par cycle respiratoire complet. La dénomination insiste sur le fait que cela stabilise les pulsations cardiaques, qui exercent un effet puissant sur l’anxiété. Certains patients ayant des problèmes cardiaques sont d’ailleurs parfois diagnostiqués à tort comme victimes d’attaques de panique, car l’emballement de leur cœur emballe aussi leur esprit.
Grâce à des dispositifs dits de biofeedback, on peut observer sur un écran comment cette respiration ample et régulière ralentit et stabilise les pulsations (l’écart entre deux battements cardiaques n’est jamais exactement le même, mais il devient de plus en plus constant avec cette technique). Plusieurs études ont confirmé l’intérêt anxiolytique de ces dispositifs, même si l’appareillage informatique semble plus influer sur la motivation à s’engager dans les exercices (« ça fait sérieux, concret ») que sur les mécanismes physiologiques eux-mêmes. Il est probable que l’on obtiendrait des résultats identiques en appliquant simplement la respiration lente avec la même conviction et la même rigueur.
Précisons également que certaines variantes de la cohérence cardiaque recommandent de passer plus de temps sur l’expiration que sur l’inspiration (par exemple, 6 et 4 secondes). On sait en effet que le rythme cardiaque accélère légèrement lorsqu’on inspire et ralentit quand on expire ; allonger cette dernière phase exerce donc sans doute un effet apaisant sur le cœur et, par là, sur le cerveau. Cela reste toutefois à confirmer par des études cliniques.
Une série de découvertes récentes ont montré que l’impact de la respiration calme sur nos émotions ne passe pas seulement par la périphérie – le système nerveux parasympathique -, mais emprunte aussi des voies plus centrales. Le souffle agirait directement au sein même du cerveau !
En effet, une respiration lente et profonde semble conduire à une oxygénation plus importante des neurones. Il s’ensuivrait de subtiles variations chimiques qui les rendraient moins excitables, en particulier dans les zones cérébrales de l’anxiété. En 2017, Mark Krasnow, de l’université Stanford, et ses collègues ont également montré chez la souris qu’un ensemble de neurones régulant les rythmes respiratoires (le complexe de pré-Bôtzinger, dans le tronc cérébral) contrôle une partie de l’activité du locus cœruleus, région impliquée dans l’attention, l’éveil et l’anxiété. Les techniques respiratoires pourraient alors influencer cette zone des émotions, via la modulation de l’activité du complexe de pré-Bbtzinger.
Outre le ralentissement de la respiration, l’attention prêtée au souffle jouerait un rôle important. Anselm Doll et ses collègues de l’université technique de Munich ont montré en 2016 que cette focalisation attentionnelle exerce un effet pacificateur sur le stress et les émotions désagréables, en activant notamment le cortex préfrontal dorsomédian, une zone cérébrale régulatrice, et en atténuant l’activité des amygdales, impliquées dans ces émotions.
Par ailleurs, le fait de prêter attention à sa respiration pousse la plupart des gens à la ralentir et à l’approfondir – ce qui, on l’a vu, est apaisant. Enfin, pendant ce temps, on ne pense pas à ses soucis, les ressources cognitives étant limitées. Dans la méditation de pleine conscience, les participants apprennent à voir à quels moments leur attention s’écarte du souffle pour se laisser aspirer par leurs préoccupations, et s’entraînent à revenir régulièrement à leur respiration. S’ensuit un effet anticogitation (chez tout un chacun), voire antirumination (chez les anxieux et les dépressifs, particulièrement sujets à ces pensées négatives qui tournent en boucle).
LES MEILLEURS MOMENTS POUR RESPIRER
Quels sont les meilleurs moments pour appliquer ces techniques ? Tout d’abord,
lors d’un stress ponctuel, par exemple avant un examen, une compétition sportive ou une simple réunion au travail. En 2017, Ashwin Kamath, de l’université Manipal, à Mangaluru, en Inde, et ses collègues ont étudié le cas du trac avant une prise de parole en public. Les participants, des étudiants en médecine, devaient effectuer pendant 15 minutes un exercice de respiration alternée par les narines, qui consistait à inspirer lentement par une narine et à expirer par l’autre, en se bouchant celle qui n’est pas utilisée avec le doigt.
Résultat : comparés aux membres du groupe contrôle, les participants étaient légèrement moins stressés par la prise de parole.
Autre contexte où ces exercices sont préconisés : l’insomnie. Une enquête récente menée par la psychologue américaine Suzanne Bertisch a révélé que plus de 20 % des insomniaques américains les utilisent pour mieux dormir. Une habitudej udicieuse: en 2014, l’équipe de Cheryl Yang, de l’université nationale Yang-Ming, à Taïwan, a montré que 20 minutes d’exercices de respiration lente (6 cycles respiratoires par minute) avant d’aller se coucher améliorent significativement le sommeil. Ainsi, les participants insomniaques se sont endormis plus vite, avec des réveils en cours de nuit moins fréquents et moins longs. En moyenne, ils ont mis seulement 10 minutes pour sombrer dans le sommeil, soit près de trois fois moins de temps que d’habitude. Outre l’apaisement de l’organisme provoqué par le système parasympathique, l’effet anticogitation de la focalisation sur le souffle serait en cause.
Mais l’efficacité des techniques respiratoires ne se limite pas aux stress ponctuels ou à la chambre à coucher : elles peuvent aussi soulager une anxiété chronique. Elles ont notamment fait la preuve de leur efficacité chez les victimes de pathologies psychiatriques, comme une phobie, une dépression ou un stress post-traumatique. En 2015, la psychiatre Stefania Doria et ses collègues de l’université de Milan ont ainsi proposé à 69 patients souffrant de troubles anxieux ou dépressifs un entraînement de 10 sessions de 2 heures, réparties sur 2 semaines. Cet entraînement comprenait un ensemble hétérogène de techniques respiratoires (respiration abdominale, accélération puis ralentissement du rythme, respiration alternée par les narines, etc.), associées à quelques étirements de yoga. Les chercheurs ont observé une diminution significative des symptômes à l’issue du protocole. Mieux : l’amélioration se maintenait 2 et 6 mois plus tard, avec juste une séance hebdomadaire de suivi et un peu de pratique à domicile pendant cette période.
Les techniques respiratoires sont aussi utiles chez tout un chacun, pour contrer l’accumulation de petites tensions corporelles associées au stress. Les thérapeutes préconisent de les appliquer régulièrement dans la journée, lors de moments de pause ou de transition entre deux activités : on s’arrête alors pour ajuster sa posture et s’accorder quelques minutes de respiration tranquille. Ils parlent volontiers de « méthode 365 »: au moins 3 fois par jour, respirer sur la base du rythme 6 cycles par minute (5 secondes pour inspirer, 5 secondes pour expirer, et ainsi de suite), ceci pendant 5 minutes. Et le faire chaque jour, donc 365 jours par an ! Certains travaux suggèrent même qu’au-delà de l’apaisement immédiat, la pratique régulière d’exercices de respiration nous rend globalement moins vulnérables au stress par des mécanismes de neuroplasticité, c’est-à-dire en modifiant durablement les circuits cérébraux (voir l’article « Comment la respiration synchronise le cerveau »).
À PRATIQUER (PRESQUE) SANS MODÉRATION
Et puis, pourquoi cantonner ces techniques aux émotions négatives ? Il est aussi intéressant de les appliquer lors des moments agréables, afin de prendre le temps d’apprécier et de mémoriser ces derniers. Bref, on se pose et on respire pour se calmer, mais également pour savourer …
La tradition et l’empirisme encouragent donc à utiliser les approches de contrôle respiratoire, et de plus en plus de données scientifiquement validées semblent indiquer qu’il s’agit d’une bonne idée – même si les recherches restent à approfondir, notamment car dans certaines études, il manque une comparaison avec un groupe contrôle. Seule contre-indication : si l’on souffre d’attaques de panique en raison d’une anxiété dite « intéroceptive » (liée à la perception de signaux corporels). Dans ce cas, prêter attention à ses variables physiologiques risque au contraire d’aggraver l’anxiété, parce qu’on y projette son inquiétude : « C’est bizarre, en y prêtant attention, j’ai l’impression que ma respiration n’est pas régulière ; est-ce que je ne suis pas en train de m’étouffer? Que m’arriverait-il si soudain je n’arrivais plus à respirer ?» Chez ces personnes, les techniques respiratoires auront intérêt à être testées et apprises sous la supervision d’un thérapeute.
En dehors de ces cas, au vu de la fréquence des moments d’inconfort émotionnel que nous affrontons au cours de nos journées et de leurs conséquences défavorables sur notre santé, nous ferions bien de prêter régulièrement attention à notre manière de respirer. Offrons-nous donc, plusieurs fois par jour, de petites tranches de respiration consciente et tranquille. Voilà en effet un instrument de régulation émotionnelle gratuit, toujours accessible, inépuisable et d’utilisation facile : la respiration est un peu l’énergie solaire du monde de la relaxation !
Il est d’ailleurs étonnant qu’elle ne soit pas plus largement recommandée et utilisée. Mais peutêtre sa simplicité, son aspect trivial et banal sont-ils un frein à son usage quotidien ? Nous tendons toujours à penser que face à des problèmes complexes (traverser les turbulences d’une vie humaine), les solutions simples sont inopérantes.
Ou à l’inverse, peut-être sommes-nous intimidés par la dimension sacrée du souffle, par son lien à la vie et surtout à la mort, qu’évoque Victor Hugo dans ce passage de L’Homme qui rit : « Les générations sont des haleines qui passent. L’homme respire, aspire et expire » Finalement, nous préférons bien souvent oublier que nous ne sommes que « des haleines qui passent » ….
RESPIRER POUR PANIQUER !
Si une respiration lente apaise, une respiration trop rapide engendre de nombreuses sensations de stress et d’anxiété. Ce phénomène est utilisé en thérapie comportementale pour entraîner les patients anxieux à affronter « en vrai » leurs émotions. Par une hyperventilation délibérée, ils déclenchent artificiellement une angoisse désagréable, qu’ils s’habituent à ressentir et apprennent à relativiser. Grâce à cette technique, ils peuvent aussi constater comment une mauvaise respiration amplifie leur peur.
EN BREF
• De plus en plus d’études cliniques montrent que les techniques de respiration sont efficaces contre l’anxiété et l’insomnie.
• Ces techniques agissent à la fois sur des paramètres physiologiques, stimulant le système nerveux dit « parasympathique » et sur des facteurs psychologiques, détournant l’attention des ruminations mentales.
• Simples, sans danger, validées par la science, elles gagneraient à être davantage recommandées et utilisées.
La respiration est l’énergie solaire du monde de la relaxation.
C’est un instrument de régulation émotionnelle gratuit, inépuisable, facile d’utilisation.
Le yoga et la méditation ont Inspiré beaucoup des exercices de respiration utilisés aujourd’hui.
Le yoga Pranayama, né en Inde, a d’ailleurs été le premier à théoriser l’intérêt du contrôle respiratoire, sept siècles avant notre ère.
365
C’est le surnom d’une méthode couramment préconisée par les thérapeutes pour contrer l’accumulation du stress : au moins 1 fois dans la journée, respirer 6 fois par minute (5 secondes par inspiration, 5 secondes par expiration), pendant 5 minutes. Et ce 365 jours par an !
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Magazine Cerveau & Psychos – N° 103 – Octobre 2018